Tribune Paris Normandie du samedi 13 janvier 2018
«Le ‘big-bang’ institutionnel de ces dernières années a considérablement modifié le paysage de nos institutions locales. Loin de simplifier l’organisation territoriale, les réformes successives ont amplifié le mille-feuille administratif. Elles ont rendu opaque le rôle et la place des différentes collectivités territoriales. La vision technocratique a souvent pris le pas sur l’approche pragmatique reposant sur un véritable projet cohérent de territoire. La logique de territoire a laissé place à une logique administrative. Les regroupements parfois à marche forcée, les fusions imposées pour des raisons financières, les découpages électoraux à finalité plus politique que logique ont largement contribué à brouiller les cartes.
Ainsi, les circonscriptions législatives s’entremêlent avec les nouveaux cantons, les intercommunalités XXL englobent des parties de cantons ou des bouts de circonscriptions, la métropole rouennaise rivalise avec le département sur les zones urbaines. Les bassins de vie sont écartelés entre plusieurs collectivités, comme la zone industrielle portuaire havraise scindée entre la Codah (Communauté de l’agglomération havraise) et Caux Estuaire.
ÉCHELON DE PROXIMITÉ
Le paysage institutionnel est confus. Le citoyen a perdu ses repères. Heureusement, dans cette tempête institutionnelle, il reste un amer, la commune. Échelon de proximité, la commune intervient dans la vie quotidienne de chacun. Elle gère les services de la naissance, avec l’état civil et les crèches, jusqu’à la mort avec les cimetières. Elle soutient les plus en difficultés grâce au CCAS (Centre communal d’action sociale) et contribue fortement à la cohésion des administrés par l’animation sociale, sportive et culturelle. Elle doit à la fois entretenir son patrimoine communal, dont de nombreuses églises, écoles, routes et préparer son avenir à travers ses projets d’urbanisme.
Le lien entre la commune et le citoyen est fort. 64 % des Français font confiance au maire, loin devant les autres élus. Le discrédit qui pèse sur la classe politique rend d’autant plus précieux cet attachement au maire. ‘À portée d’engueulades’, selon la formule du président du Sénat, Gérard Larcher, le maire reste le premier interlocuteur. Mobilisable à toute heure du jour ou de la nuit, l’engagement des maires au quotidien est admirable. Le temps passé par les élus des petites communes à gérer bénévolement les actions communales est inestimable. Ils constituent le socle de notre démocratie.
LA CONFIANCE S’ENTRETIENT
Confrontés directement au terrain, les élus locaux sont les premiers convaincus que leur élection ne suffit pas à légitimer leur décision. Le maire doit en permanence écouter et expliquer. Écouter, afin de répondre au mieux aux attentes des administrés et adapter la décision politique aux réalités du terrain. Expliquer, pour mieux faire comprendre les choix et les contraintes qui justifient la décision. La confiance ne se décrète pas, elle s’entretient par le dialogue et par l’implication des habitants. La commune est le bon échelon pour faire vivre la citoyenneté. Le nombre d’associations communales, de clubs sportifs, de clubs des aînés, et d’actions de solidarité, comme le nettoyage des plages après la tempête reflètent cette vitalité locale.
Mais la commune ne peut pas tout faire seule. Elle doit être adossée à une intercommunalité aux contours cohérents qui correspondent aux bassins de vie des habitants et qui disposent des reins suffisamment solides pour porter les projets nécessaires à l’attractivité et au développement économique du territoire. L’intercommunalité doit veiller à toujours s’appuyer sur les communes, dont les élus sont issus du suffrage universel direct.
Toutes ces raisons imposent de garantir aux communes les moyens pour agir et faire vivre la proximité. L’action du maire est encadrée aujourd’hui par plus de 4 000 normes ! La simplification des normes ne doit pas être un vœu pieux régulièrement invoqué comme une incantation mais bien une réalité. Il ne faut pas rajouter des contraintes réglementaires, comme le permis de tronçonnage pour les agents communaux, mais bien réduire les normes. Le Sénat s’y attache. Ainsi 25 règles d’urbanisme ont été simplifiées et une cellule d’assistance juridique aux élus locaux créée.
LA LIBERTÉ D’AGIR
Laissons respirer les communes, encourageons la liberté d’agir et de proposer des élus locaux. Si la loi doit fixer les règles générales, elle doit garantir avant tout l’espace de liberté de chacun. L’organisation sur chaque territoire doit être adaptée à ses spécificités. Il ne doit pas avoir de modèle unique mais bien la possibilité pour les élus locaux responsables d’adapter le fonctionnement de leur collectivité en fonction des besoins de chaque territoire. Pourquoi donner les mêmes compétences aux communes de la Métropole de Rouen, à celles de l’agglomération du Havre ou de Dieppe ? Pourquoi ne pas laisser les élus des communautés de communes de Criquetot-l’Esneval, des 4 Rivières ou de la côte d’Albâtre décider des compétences qu’ils veulent exercer ? Pour répondre à cette logique, le Sénat a introduit de la souplesse tant pour la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi) que celle Eau et assainissement.
Enfin, les moyens financiers sont aussi nécessaires pour mener à bien les actions municipales. Si la baisse systématique des dotations semble aujourd’hui enrayée, nous devons être vigilants pour assurer la compensation des transferts de charges vers les communes, comme la nouvelle gestion des Pacs mais aussi du coût des mises aux normes environnementales ou d’accessibilité des bâtiments publics souvent difficilement supportables par les budgets communaux. La prochaine réforme de la taxe d’habitation imposera de veiller aussi au maintien de l’autonomie des communes trop dépendantes des dotations de l’État.
MISSION DE CONTRÔLE
Forte de ces constats, je participe à la mission de contrôle et de suivi des lois de réforme territoriale, afin d’améliorer le fonctionnement des collectivités locales. La place de la commune dans les nouvelles intercommunalités, l’avenir des communes nouvelles et la recherche d’un meilleur équilibre entre les métropoles et le monde rural seront au cœur de nos réflexions. À l’écoute des élus, la mission cherchera les meilleures réponses pour assurer la revitalisation de l’échelon communal. »